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À l’occasion de sa première exposition solo à Paris, Todd "Reas" James s’est confié sur son parcours et son approche de l’art.
Rencontre avec l’artiste autour d’une tasse de thé.
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Ta reconnaissance vient avant tout du Graffiti...
Qu’est-ce qui te poussait à peindre des trains quand tu étais plus jeune ?
Après avoir peint mon premier train je n’ai pas arrêté de vouloir y retourner. C’était l’hiver 1982 et j’étais au collège. Je taguais déjà un peu et des mecs de mon école m’ont proposé de m’emmener peindre des trains avec eux. J’ai donc dit à ma mère que j’allais dormir chez un copain. Ils m’avaient donné rendez-vous à 8 heures en face d’un magasin de bonbons. Aucun d’eux n’était à l’heure et je les ai attendu pendant au moins quatre ou cinq heures ! Nous avons fini par aller à Brooklyn dans un dépôt de l’ancienne ligne CC. Nous ne faisions que les intérieurs des trains. J’étais si petit à l’époque que les mecs devaient me pousser à l’intérieur des wagons et faire de même pour sortir du dépôt. Le mur était si haut que j’ai cru que nous ne pourrions jamais passer !
J’ai peint des trains de 1982 à 1986, puis me suis arrêté jusqu’en 1988, où j’ai repris pendant deux ou trois ans.
A quel moment t’es-tu rendu compte que ton travail attirait l’attention et t’as mené à avoir des commandes ?
J’ai commencé les travaux véritablement artistiques en 1987, j’avais 17 ans. J’ai fait quelques trucs pour les Beastie Boys, ce qui m’a beaucoup aidé compte tenu de leur énorme notoriété de l’époque. J’étais dans le graphisme et l’illustration et j’avais quelques amis plus âgés comme Haze à qui je pouvais demander des conseils. Grâce à tout ça, j’ai fait des trucs cool comme le logo du magazine The Source par exemple.
Pourquoi as-tu décidé de conserver ton nom de tagueur pour tes travaux de commande et de repasser à ton nom de naissance un peu plus tard ?
Je ne me suis pas vraiment posé la question à l’époque, il se trouve que ça s’est passé comme ça. Mais maintenant je ne me sers plus de Reas qu’en tant que nom de société. J’ai définitivement changé lorsque nous avons fait l’exposition Street Market avec Barry McGee et Steve Powers en 2000. Nous nous sommes servis de nos vrais noms pour nous différencier de nos tags trop présents dans le show. Et je m’y suis tenu depuis lors.
Comment t’es-tu retrouvé à réaliser la pochette d’un album d’Iggy Pop ?
Une de mes amies travaillait dans son studio. Elle avait vu Street Market et avait mon livre de coloriage. Iggy Pop a vu le carnet et a dit : "Tiens, on pourrait utiliser une de ces images". On s’est ainsi rencontré et il m’a dit qu’il aimait ce genre de truc à ce moment là. J’ai écouté l’album et travaillé autour de ce qu’il m’inspirait. Il a choisi la nana avec le flingue sur la culotte. Evidemment, au début, le label était catégoriquement contre mais il leur a dit : "Ecoutez, je n’ai jamais rien dit, mais pour cet album, c’est ça que je veux". Et ils ont finit par laisser passer !
En Europe, tu es reconnu pour tes graffitis et ton art, mais je crois également savoir que tu as travaillé pour la télévision...
Est-ce que tu continues les animations en ce moment ?
J’ai déjà eu deux séries programmées : Minoriteam et Crank Yankers. Je travaillais sur une nouvelle série jusque mi-2008. C’était encore un truc avec des marionnettes et cela devait impliquer Kanye West. J’ai fait tous les croquis pour les marionnettes et la production a réalisé le pilote. Et puis...plus rien ! Ça arrive tout le temps avec la télé... Mais je continue !
Sinon je fais des animations artistiques. J’en prépare toujours quelques unes pour chacune de mes expositions.
En voyant tes métros des années 80, tu semblais plus t’amuser que de chercher à parfaitement maîtriser le côté technique. Et c’est à peu près le même sentiment qui se dégage quand on regarde tes toiles et dessins, avec les contours directs, les taches, etc.
Je peux faire des trucs parfaitement maîtrisés du point de vue de la technique. Mais j’ai l’impression que ma personalité ressort plus de cette façon. J’aime bien quand c’est tordu !
Tu as beaucoup exposé à travers le monde ces derniers temps. Est-ce que cette nouvelle exposition chez colette est dans la même lignée ou as-tu pris une nouvelle direction ?
Il y a bien évidemment de nouvelles choses. Les deux dernières expositions que j’ai fait étaient à propos de la guerre et toujours à base de rose, rouge, bleu et noir. Pour ce show j’ai ajouté un peu plus de fun, de folie et de couleurs.
Avant que je ne commence ce truc avec la guerre, j’aimais peindre des situations tordues. Mais je n’en ai pas encore fini avec les tanks et compagnie.
Ça va faire dix ans que vous avez fait l’exposition Street Market avec Barry McGee et Steve Powers... Avez-vous prévu une suite ?
Je ne voudrais pas parler trop vite, mais nous y pensons très sincèrement. Il n’y a encore rien de sûr, mais nous l’annonceront uniquement si tout se passe comme nous le souhaitons.
Tu as également récemment été commissaire d’exposition pour un group show au Danemark où tu as présenté une sélection de la scène artistique new-yorkaise... Est-ce quelque chose vers quoi tu tends ?
Mes amis de la galerie V1 me l’ont proposé, et nous l’avons fait ensemble. Mais très honnêtement, s’occuper de moins d’artistes serait plus facile. Lorsqu’il s’agit d’être à un endroit précis à une date donnée avec mes oeuvres, je m’en sors. C’est beaucoup plus compliqué de composer avec les egos d’autres artistes. C’est plus simple pour moi de ne m’occuper que de moi !
As-tu déjà de nouvelles expositions planifiées ?
J’ai quelques trucs, mais rien n’est confirmé à 100% donc je préfère l’annoncer en temps voulu. J’aimerais évidement refaire quelques zines ou d’autres carnets de coloriages. On verra.
Merci Todd.
C’est déjà fini ? Nous n’avons même pas parlé de Moebius ?
Tu veux en parler ?
Oui, j’adore Moebius. Je n’ai pas toutes ses BD, mais quand j’étais gamin, tout le monde autour de moi adorait ses dessins. C’est un de mes trucs français préférés.
Qu’est-ce qui te plaît également à Paris ou en France ?
Je vais te donner mon top 5 : Donc Moebius est N°1. J’aime beaucoup ce graffeur, Pum. Les mecs des FMK (Supe, Diego & Seb) ont un bon style aussi. J’aime bien Jonone également. Quand je suis venu à Paris pour la première fois quand j’avais 17 ans, c’était cool de rencontrer un new-yorkais qui s’était installé ici. Et en dehors du graffiti, je dois avouer que je suis un grand fan des Croque-Monsieur ! Ceux qu’ils servent à l’Hôtel Amour sont tout simplement incroyables. J’en ai essayé un autre en face du Louvre et c’était un véritable outrage à la vue !
Pourrais-tu vivre ici ?
Je pourrais tout à fait passer un moment ici. Maintenant que je suis revenu et j’ai un peu plus visité, Paris fait partie de mes 5 villes préférées. Ce qui fait à nouveau chuter L.A. !
Photos © Amaury Choay pour La MJC