Si on reviendra plus tard sur le succès de la gigantestque exposition Art in The Streets au MOCA, sur son fabuleux contenu, mais aussi sur ses polémiques, il est bon de s’attarder sur une la partie la plus séduisante de l’exposition, celle qui fait de loin l’unanimité depuis l’ouverture en avril dernier.

Pour comprendre le climat d’extase qui entoure la réunion des trois compères que sont Todd James, Barry McGee et Stephen Powers, il faut remonter en l’an 2000. On ne parle guère de street art dans les médias à cette époque, et il faut beaucoup de temps, avant que l’information et les images d’un show soient connues de tous. Autant dire qu’à part pour une poignée d’initiés, et pour les précursseurs du mouvement, la première exposition du trio, Indelible Market au ICA de Philadelphie passe quasi inaperçue. Pourtant, ce premier projet sert de base à Street Market, qui aura lieu quelques mois plus tard, chez Deitch Projects, et qui connaîtra un succès d’estime incroyable. Plus les années passent, plus le show devient légende, à tel point que la rumeur d’une suite est régulièrement annoncée chez Deitch pendant toute la première décennie 2000. Le succès de la carrière solo de Barry McGee, l’envol plus recent de celles de James et Powers ne facilite pas la réunion des trois artistes, et la rumeur de réunion des trois trublions devient, hélas, un serpent de mer.

Lorsque Jeffrey Deitch reprend la direction du MOCA en 2010, et que celui-ci annonce le projet Art in the Streets, l’effervescence renaît. Tout le monde connait les liens d’affections entre Deitch et ces trois artistes en particulier. Sans l’annoncer officiellement, le petit monde du street art s’attend au retour en force de Street Market pendant l’évènement Art in the Streets. Enfin ! Onze longues années se seront écoulées depuis le premier vernissage, onze longues années où le mot street art est entré dans l’imaginaire collectif, mais aussi en galeries, maison d’enchères, musées et appartements cosus des quatre coins du globe.

On peut simplement résumer qu’il y a un avant et un après Street Market. Qu’avec un peu de recul, on peut voir cette exposition comme un vrai repère chronoloqique qui aura marqué une époque. Ce show historique aura suscité des vocations, ouvert des portes et probablement permi à Art in the streets (dans sa globalité) d’avoir lieu 11 années plus tard, au MOCA. Il ne s’agit pas là de glorifier les uns, et de diminuer l’impact des autres artistes présents au MOCA, mais si Deitch est là où il est aujourd’hui, si Art in the streets est un show très impactant pour son nouveau role au MOCA, et si Art in the streets est le show le plus couru de la planète aujourd’hui, l’exposition Street Market de l’an 2000 y est un peu pour quelque chose. 

11 années plus tard donc, c’est avec leurs amis Devin Flynn, Josh Lazcano, Dan Murphy, et Alexis Ross, que Todd James (Reas), Steve Powers (Espo), et Barry McGee (Twist) ont créé Street, leur nouvelle fantastique installation au coeur du MOCA, si riche en contenu qu’il faut y consacrer pas loin de deux heures pour ne rien manquer ! S’ils ont volontiers mélangé leurs styles pour assembler leurs "rues" avec leurs batiments, enseignes, affiches, boites lumineuses, films, peluches et autres boites de conserves, McGee et James se sont réservés des petites pièces fermées qui regorgent de trésors rares. Extrêmement riche, leur installation ne compte plus le nombre de travaux, laissés ici et là, obligeant le visiteur à regarder partout, du sol au plafond pour être sur de tout voir. C’est dans cette quête à la pièce cachée, dans ce regroupement fou de détails que Street gagne en profondeur et en qualité. Il transpose l’essence du street art (grafiiti, lettering, appropriation de l’espace urbain) en une forme ludique et intelligente où chaque élément constitutif de l’ensemble est en fait une pièce d’art à part entière.

Autant l’avouer, si Art in the Streets est la plus grande exposition jamais organisée à ce jour et qu’elle est une forme d’apogée pour cette culture, Street reste de loin son élément clef (au même titre que la partie qui documente les débuts du mouvement, très réussie), dont on se rappellera probablement encore dans....11 ans par exemple ?

Art In The Streets @ The Geffen Contemporary - MOCA
Vous avez encore jusqu’au 8 Aout pour voir le chef d’oeuvre.

Street, 2011
Todd James, Barry McGee, Stephen Powers, Devin Flynn, Josh Lazcano, Dan Murphy, Alexis Ross
Installation at "Art In The Streets", The Geffen Contemporary at MOCA
Directors : Andy Bruntel & Felipe Lima
DP : C. R. Stecyk III

images © La MJC