Retour sur l’exposition de l’artiste Scott Campbell à Mexico City et de la polémique qui l’a suivie.
Images exclusives, avant l’arrivée des flammes.
Explications.
Le dernier solo show de Scott Campbell devait passer inaperçu. Enfin presque. Il se déroulait hors circuit traditionnel, à Mexico City (qui n’est pas réputé pour être une ville refuge de l’art contemporain), l’artiste n’en avait pas fait des tonnes sur sa future destination, les oeuvres présentées se voulaient, on ne peut plus "classiques"...Pourtant, depuis une semaine, tout le monde ne parle que de cette exposition qui ne portait même pas de nom officiel.
Que s’est-il passé exactement ? Retour sur les faits, images à l’appui.
il y a environ un an, Scott Campbell rencontre un certain Eduardo V, fan de son travail, qui lui propose d’organiser un show dans la galerie dont il s’occupe à Mexico City. Celle-ci appartient au magazine Vice et expose régulièrement dans un joli batiment de deux étages, avec parquet et murs blancs, des artistes de tous horizons. Après visite des lieux, et un accord pour un opening pendant la semaine des célébrations du Dia de Los Muertos (le penchant Mexicain de Halloween, mais avec festivités prolongées), Scott Campbell accepte et entame la création de nouvelles oeuvres.
Le vernissage a lieu le 28 octobre, et se déroule parfaitement. L’artiste est un tout petit peu embarrassé par la forte présence d’un sponsor alcool, mais rien de vraiment dramatique. Toutes ses currency pieces (gravure laser sur planche de billets de banque) sont vendues en quelques minutes, et les quelques exemplaires de ses deux magnifiques lithographies aussi. Tout se passe donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, le show est rapidement sold out, et reste ouvert au public pour quelques semaines.
Les débuts des soucis commencent lorsque le propriétaire devient un petit peu trop insistant au près de Campbell pour se faire offrir une oeuvre en guise de "services rendus." Une fois, deux fois, trois fois, ce dernier insiste et va même jusqu’à proposer un contrat avec une clause stipulant que ce don est obligatoire et que l’artiste ne peut pas s’y opposer ! Le ton monte une première fois, et c’est un email envoyé par le galeriste à Campbell qui allume définitivement la mèche. Sans rentrer dans les détails du contenu, ce mail est tel qu’il touche personnellement l’artiste, qui possède pourtant la réputation d’être quelqu’un de très calme et réfléchi.
Un heure à peine après avoir demandé de l’aide à son assistant, Campbell débarque à la galerie pour s’expliquer. Il a déjà son idée en tête : Pour lui, il n’est pas question de "négocier", mais d’en finir avec la triste relation entretenue avec le Mexicain. Il décide donc de reprendre l’ensemble de ses oeuvres, mais surtout d’aller plus loin. Alors que son homologue entame un dernière tentative de discussion, Campbell ne tient plus en place et asperge d’essence une bonne dizaines de pièces descendues dans la rue par son assistant. Jouissif selon ses propres dires, il prend ainsi un malin plaisir à brûler l’ensemble sur le bitume de Mexico City, juste en face de la galerie !
Lorsqu’il nous raconte sa mésaventure, on a peine à le croire, tant il nous apparaît comme un garçon parfaitement équilibré. On imagine que la pression était telle qu’il a été poussé à bout comme rarement. Pour autant, il semble assez fier de son acte et s’est rapidement expliqué dans une interview qui a déjà été reprise partout sur le web.
Quid de la position du galeriste ? Nous n’étions pas assez de temps à Mexico pour connaître sa version des faits. Toujours est-il que celui-ci avait été assez souple et cool pour nous laisser prendre des photos alors que la galerie était fermée, un jour avant "l’incident". C’est seulement quelques heures après que nous apprenions ce qui s’était passé, à notre plus grande stupéfaction.
On ne sait toujours pas si la carrière de Scott Campbell sera compatible avec cette histoire. Il serait trop simple de dire que oui, qu’il a agit comme une rockstar et que tout ça lui profitera un jour ou l’autre. L’art est un monde beaucoup plus polissé que celui de la musique ou la mode par exemple, et ce genre de gestes n’est pas perçu de la même manière ici et ailleurs.
Carrière ou pas, show buzzé ou non, le travail de Campbell ne cesse de trouver des fidèles partout à travers le monde. Sans promotion majeure (personne n’avait parlé du show avant qu’il n’ait lieu, et même après le vernissage), son exposition était entièrement vendue, et ce à Mexico, avec des prix très largement supérieurs à la moyenne pratiquée chez Vice. Nul doute que c’est ce qui l’aura motivé à trouver finalement un compromis final à cette histoire : les oeuvres brulées sont désormais exposées dans la galerie, et chaque acheteur recevera finalement son oeuvre dans l’état de son choix !
Tout est bien qui finit bien. Vivement la suite. En Europe, probablement.
Images © La MJC
(prises dans la précipitation, avec un téléphone portable. Toutes nos excuses pour la piètre qualité)